dimanche 9 octobre 2016

Dossier du mois - Octobre 2016 : LES GEISHA

Bonjour,

Voici enfin mon deuxième dossier du mois et je suis contente du thème choisi : les geisha.
Mes recherches ont été fructueuses mais difficiles à structurer en exposé, ce qui explique que le dossier du mois de septembre se soit transformé en dossier du mois d'octobre.
Pour ceux qui ne l'avait pas remarqué :)

Merci Margot, pour ce dessin

Au cours de mes lectures, j'ai découvert qu'un amalgame était souvent fait, par les occidentaux, entre geisha et prostituées.
Je vais vous montrer que ces deux types de femmes ne sont en rien comparables.

Pour changer, commençons par un peu de linguistique.
Celles que l'on nomme geisha à Tokyo et dans ses environs, s'appellent plutôt geiko à Kyoto.
Que veulent dire ces mots ?
gei signifie art
sha signifie personne
ko signifie enfant
Une geisha est donc, littéralement, une personne qui consacre sa vie à la pratique des arts et une geiko, un enfant qui pratique les arts (les jeunes femmes commençant à se former très tôt).

Au cours de mon dossier, j'emploierai le mot geisha, qui est aujourd'hui devenu le terme générique de cette profession.

Pour continuer, un peu d'histoire.
Comment sont nées les geisha ?
Oui, je sais, comme pour tout le monde, grâce à un papa et une maman.

Plus précisément, comment est apparu le métier de geisha ?

Une chose que vous aller sûrement découvrir sur ce métier (en tout cas, moi, je ne le savais pas) est que les premières geisha étaient en fait des hommes.
Ils sont apparus avec l'ouverture des salons de thé, aux alentours de 1700, et ils divertissaient les clients par la musique et le chant, à la manière des bouffons du moyen-âge.
Vers 1750, les premières femmes se lancent dans le métier. Pour les différencier des hommes, on les nomme onna-geisha, "femme geisha".
Elles deviennent rapidement plus nombreuses que les hommes, qui se font alors appeler otoko-geisha, "homme-geisha" et qui disparaissent aux alentours de 1800.
Entre-temps, en 1779, l'état, soucieux de réglementer cette activité, officialise le métier de geisha et en profite pour créer un bureau de recensement qui sera chargé de leur faire respecter la loi dont l'une des principales caractéristiques est de leur interdire la prostitution (qui est, par ailleurs, autorisée, pour les prostituées).

Dans les années 20-30, certaines geisha se laissent prendre au jeu de la mode et choisissent de se vêtir et de danser à l'occidentale. On les appelle les dansu-geisha. La grande majorité de la profession, garante des traditions japonaises, refuse cette dérive vers la modernité et perpétue le métier, dans les règles de l'art.

En 1944, les quartiers de plaisir sont fermés et les geisha sont envoyées dans les usines, pour participer à l'effort de guerre.
En octobre 1945, les quartiers de plaisir rouvrent.
En 1957, la prostitution est interdite et les geisha se démarquent définitivement des prostituées.
A la même période, le travail des enfants est interdit. Aucune jeune fille ne peut plus devenir maiko avant l'âge de 15 ans.

Comment devient-on geisha ?

La réponse à cette question n'est pas la même selon la période à laquelle on se trouve.
A l'origine, les très jeunes filles, issues de familles pauvres, étaient vendues aux okiya, "maisons de geisha".
La famille récupérait l'argent et l'okiya une nouvelle recrue.
Aujourd'hui, ce sont les jeunes filles, elles-mêmes, qui décident de devenir geisha.
Les okiya ayant de plus en plus de mal à recruter, elles ont plutôt tendance à chouchouter leurs nouvelles arrivantes, ce qui était loin d'être le cas, avant.
En effet, auparavant, le début de la formation d'une geisha consistait à l'épuiser physiquement et moralement, pour obtenir son entière obéissance.

Déroulement de la formation :
Lors de son arrivée dans une okiya, la jeune fille devient une shikomiko (une enfant qui apprend).
Le matin, elle apprend les arts. (Il faut commencer tôt, pour tous les maîtriser.)
A l'époque, il était courant de commencer le 6ème jour du 6ème mois de sa 6ème année.
Il était même autorisé de débuter son apprentissage à 3 ans et 3 jours.

Tout un programme puisque la jeune fille doit assimiler plusieurs disciplines :
- la poésie
- le chant traditionnel
- la littérature japonaise
- l'ikebana, l'art floral
- le chanoyu, la cérémonie du thé
- la danse traditionnelle, pour développer un port du corps plus gracieux. (Seules les plus douées la pratiquent en représentation)
- la musique, au travers de divers instruments :
        - la flûte japonaise
        - le shamisen (sorte de viole à 3 cordes)
        - le tambour (le tsutsumi qui tient sur l'épaule, l'okawa qui tient sur les cuisses ou le taiko, plus gros, qui est posé par terre et sur lequel on vient frapper avec des baguettes)

Selon si elle danse ou joue de la musique, la geisha se sera pas nommée de la même façon.
Se sera une jikata, "personne assise", si elle joue d'un instrument et une tachikata, "personne debout", ou une odoriko, "danseuse", si elle pratique la danse traditionnelle.

L'après-midi, la shikomiko fait le ménage, la cuisine et est affectée à la surveillance de la porte de l'okiya.
Le soir, elle suit les geisha pour porter leurs affaires. En attendant la fin de leur prestation, elle attend, dehors, à la porte.
C'est la bonne à tout faire de l'okiya. Elle règle sa dette d'achat et de formation (ce qui lui prendra environ 15 ans).
Elle a entre 6 et 12 ans.

Durant tout ce temps, l'okasan, la responsable de l'okyia, l'observe et décide si, oui ou non, elle continuera d'investir pour poursuivre l'éducation de la shikomiko et faire d'elle, une nouvelle geisha.

Si oui, vers l'âge de 12 ans, une oneesan, "grande sœur", lui est liée, via le san san kudo, sorte de rituel de mariage. La shikomiko devient minarai, "apprentie" et, plus tard, son nom de geisha aura pour racine une partie du nom de son oneesan.
Si la minarai continue à aller à l'école dans la journée, tous les soirs, elle suit sa grande sœur et, cette fois-ci, elle assiste aux représentations.
N'étant pas jugée digne de quoi que ce soit, elle ne fait rien d'autre qu'observer ce qui se passe.

C'est une pratique répandue au Japon, l'apprentissage par l'observation.
L'autre jour, je regardais un reportage sur un français qui voulait apprendre l'art de la forge traditionnelle japonaise.
Cela faisait trois ans qu'il passait chacune de ses journées à observer son maître !

Au cours de cette période d'observation, elle apprend l'art de la conversation, celui de divertir les clients et les divers jeux qui les intéressent.
Dans le privé, son oneesan lui enseigne le kitsuke, l'art de revêtir un kimono.
Lorsque l'okasan décide que la minarai est apte à participer aux représentations, celle-ci devient maiko (à Kyoto) ou hangyoku (à Tokyo).

Là encore, elle suit son oneesan comme son ombre (dans les salons de thé, aux banquets...) mais celle-ci lui transmet désormais son expérience. En échange, elle touche un pourcentage du salaire de sa maiko.
A la fin de sa formation, se déroule le mizuage. Il s'agit d'un moment marquant qui symbolise le passage de l'enfance à l'âge adulte.
La houpe de la maiko est coupée et la nouvelle geisha fait le tour du hanamachi, le "quartier des fleurs" pour se montrer et offrir de la nourriture et des cadeaux aux différentes ochaya, maisons de thé. Une cérémonie est donnée, en son honneur, dans la maison de thé où elle officie habituellement.

C'est à ce moment-là, aussi, que son okasan va vendre sa virginité aux enchères et chercher pour elle un danna.
Le danna est le protecteur de la geisha. Celui qui lui offre des cadeaux et de l'argent et lui permet d'avoir un train de vie plus aisé. En échange, la geisha lui montre plus d'attention qu'aux autres hommes, lors des banquets où ils se retrouvent.
Le fait que le danna devienne le protecteur de la geisha, en achetant sa virginité, est une des raisons qui font penser aux occidentaux que les geisha se prostituent.
Ce n'est pas du tout le cas puisque le danna n'est pas obligé de consommer son alliance. Lui et sa geisha n'entretiennent pas forcément de relations sexuelles.
Si c'est le cas (ce qui peut l'être), cela doit se faire de façon discrète, pour ne pas nuire à l'okiya. (Une geisha est censée être célibataire.)

Pourquoi devenir danna, alors ?
Le danna est, bien souvent, un homme marié, riche et influent qui souhaite juste accroître sa notoriété, en montrant qu'il a les moyens d'entretenir une geisha.
Un kimono de bonne qualité peut coûter plusieurs dizaines de milliers d'euros et une geisha en possède entre 15 et 20.
Il faut avoir un sacré portefeuille. Surtout que le danna n'est absolument pas exempté de payer les rétributions habituelles à l'emploi d'une geisha.
Aujourd'hui, seulement une geisha sur cinq possède un danna.

Une geisha quitte son métier, entre autre, lorsqu'elle se marie.
Lors de la cérémonie d'adieu, le hiki iwai, elle offre du riz bouilli à son okasan et son oneesan.

Où vivent les geisha ?
Un autre aspect de leur vie qui accentue à les confondre avec des prostituées est que les geisha habitent dans le même quartier qu'elles.
Elles font partie du haryukai, le "monde des fleurs et des saules" et vivent dans les hanamachi, les "quartier des fleurs".
Le plus connu de Kyoto est Gion mais il y a aussi Ponto-cho. A Tokyo, c'est Akasaba le plus renommé mais il y a des chances d'en croiser, le soir, à Asakusa.

Si aujourd'hui les geisha sont plus indépendantes et vivent chez elles (jimae), à l'époque, elles habitaient dans leur okyia.
Cette okyia est régentée par une okasan, "mère".
Y vivent 5 ou 6 geisha, 3 shikomiko et 2 autres femmes qui font le ménage et la cuisine.
Un serviteur aide au déplacement des geisha vers leur lieu de rendez-vous.

De nos jours, comme je l'ai dit, beaucoup de geisha ont choisi de vivre de leur côté mais elles dépendent tout de même d'une okyia qui s'occupe de gérer leur carnet de rendez-vous.

Les okyia sont transmises par succession, soit à une fille naturelle de l'okasan, soit à la geisha qu'elle juge la plus méritante, la plus douée. Celle-ci devient atotori, "héritière", et ses gains deviennent ceux de l'okyia. Elle sera la future okasan.

Qui sont les clients des geisha ?

Les geisha officient lors de zashiki, "banquets", donnés dans des ochaya, "maison de thé", des restaurants traditionnels, des salons privés ou bien chez des particuliers.
Leur but : divertir les clients.
Là encore, l'amalgame est facile puisqu'à l'époque, des prostituées étaient présentent à ces banquets et se chargeaient d'occuper les hommes, en fin de soirée.

Si vous pensiez pouvoir louer les services d'une geisha, je suis au regret de vous annoncer que ce ne sera pas possible (à moins d'avoir des relations et un portefeuille bien garni).
En effet, les geisha ne sont pas payées directement. Ce sont les organisateurs des zashiki qui avancent tous les frais.
Ne peut donc y participer qu'une clientèle aisée et reconnue comme telle. (Un nouveau client ne le deviendra que s'il est recommandé par un client habituel)
Hanadai, "argent-fleur", à Kyoto, ou Gyokudai, "argent-joyau", à Tokyo, le salaire d'une geisha était, à la base, calculé au nombre de bâtons d'encens qui s'était consumé pendant son service (osenko).

Les geisha se produisent aussi lors de spectacles de danse ou de théâtre kabuki et là, ce sont elles qui paient (une fortune) pour y participer parce que c'est bon pour leur notoriété.
Miyako Odori ("Danse de la capitale", appelée aussi Danse des cerisiers, en rapport avec la période) se déroule chaque année, en avril, dans le quartier de Gion, à Kyoto.
Kamogawa Odori ("Danse du fleuve Kamo") a lieu à Kyoto, dans le quartier de Ponto-Cho, au mois de mai.
Azuma Odori se déroule aussi durant le mois de mai, mais a lieu à Tokyo, dans le quartier d'Akasaka.

Habillement et maquillage

Vous avez tous remarqué la singularité de l'apparence des geisha.

Il faut tout de même que je vous précise deux choses.
La première est que, si vous croisez des geisha en pleine journée, il y a de fortes chances pour que ce n'en soit pas une. En effet, certaines jeunes femmes n'hésitent pas à se vêtir comme elles, pour attirer les touristes. Les vraies geisha, elles, sont discrètes.
Etant payées par leur client même durant leur trajet pour se rendre jusqu'à eux, elles ne trainent pas en route (ne leur demandez pas de s'arrêter pour les prendre en photo) et empruntent souvent des passages peu fréquentés pour ne pas être embêtées.
Leur rendez-vous ayant souvent lieu le soir, c'est plutôt en fin de journée que vous pourrez avoir la chance d'en voir.
Deuxième chose, et pas des moindres, les geisha ne sont presque pas maquillée. Lorsque vous croisez une femme fardée de blanc et que vous croyez que c'est une geisha, vous vous trompez. C'est une maiko :)
Ces deux précisions faites, je vais pouvoir entrer dans le détail.

En ce qui concerne la tenue des geisha, elle sont vêtues d'un kimono de soie, différent selon la saison.
En été, elles portent un ro, un kimono confectionné en gaze de soie. Peu épais, il évite que les geisha ne souffrent trop de la chaleur.
En automne, il s'agit d'un hitoe, un kimono de soie non doublée.
En hiver, il faut se protéger du froid. Les geisha s'habillent alors avec un awase, un kimono de soie, doublé d'une épaisseur de crêpe.
Pas la crêpe bretonne, le tissu !

Une geisha porte plutôt des kimono de couleur neutre et discrète, tandis qu'une maiko arbore des couleurs vives.
Quelle que soit la taille de la geisha, son kimono a toujours la même longueur. C'est grâce au nœud de son obi (sa grosse ceinture), qu'elle va pouvoir l'ajuster, en roulant le tissu par-dessous.

Le obi, justement, ne sera pas noué de la même façon s'il est porté par une maiko ou par une geisha.
Une geisha le fermera grâce à un taiko musubi, "un nœud de tambour". Pour vous faire une image, on pourrait croire qu'elle a un coussin d'accroché dans le dos.
La maiko, elle, nouera son obi en darari obi, un "obi à traine". Le nœud remonte jusqu'à ses omoplates et redescent jusqu'à presque toucher terre.

Cette tenue est complétée par des tabi, "chaussettes" et des sandales de bois. Des geta pour les geisha, des okobo à lanières rouges pour les maiko débutantes et à lanières jaunes pour les plus expérimentées.

Et ce n'est pas fini. Non. Il faut bien mettre un truc sous le kimono.
Ben si :)
Tout d'abord, une bande de tissu fin, le koshimaki, est enroulé autour de leurs hanches. Ensuite, elles enfilent une combinaison dont les couleurs sont en harmonie avec leur kimono car elle sera visible au niveau du cou et des chevilles (lorsque la geisha lèvera son kimono, pour marcher).
Le col de cette combinaison est de couleur blanche pour une geisha et rouge pour une maiko et il est cousu, chaque matin, à la main, au kimono (et décousu, chaque soir, pour le lavage).

En ce qui concerne le maquillage, là encore, beaucoup de différence entre geisha et maiko.
Comme je vous l'ai dit, sauf pour les représentations qui le nécessitent, les geisha ne se maquillent pratiquement pas.
Pour ce qui est des maiko, ce n'est pas la même chose.
L'explication vient du fait que le maquillage représente la maturité acquise et la beauté sans artifice. Les maiko sont jeunes et ont besoin, pour exercer leur travail, de cette maturité et de cette beauté.
Les geisha, elles, les possèdent sans avoir besoin de se farder.

Une maiko a donc une épaisse couche de poudre blanche (oshiroi), à base de poudre de riz, appliquée sur le visage préalablement nourri d'huile de camélia (bintsuke-abura).
Elle étale cette poudre sur le visage et la nuque, de façon très précise, à l'aide d'une brosse en bambou et enlève l'excédent avec une éponge. Souvent, le dessin de la nuque forme un W qui remonte jusqu'à la racine des cheveux.
Avant l'oshiroi était fabriqué à base de plomb et beaucoup de geisha ont souffert de problèmes de peau voire, en sont mortes.

Les joues et les paupières de la maiko sont fardées de rose.
Le contour des ses yeux et de ses sourcils est accentué de khôl et sa lèvre inférieure est peinte en rouge (lèvres supérieure et inférieure pour les geisha).

Que se soit pour se vêtir ou se maquiller, tout est compliqué et, bien souvent, c'est l'okasan qui s'occupe de la maiko, à ses début. Au fil du temps, celle-ci apprend à se débrouiller seule.

Reste encore à évoquer la coiffure.
A l'origine, les geisha allait se faire faire leur chignon chez le coiffeur et, pour le garder pendant une semaine, elle dormaient sur un takamakura, une espèce de petit banc en bois sur lequel elles reposaient leur nuque et qui devait être tout sauf confortable.
Leurs cheveux étaient tellement tirés que beaucoup de geisha terminaient leur vie, à moitié chauves. Pas super glamour :s
De nos jours, seuls les chignons des maiko sont élaborés avec leurs propres cheveux.
Les geisha, pour la plupart, portent des perruques.
Pour former leur chignon en forme de "pêche fendue" (momoware à Tokyo et wareshinobu ou ofuku à Kyoto), les maiko séparent leur chevelure en deux, par une étoffe de soie. Elles l'agrémentent ensuite de peignes et d'épingles à cheveux (kanzashi), différents selon la saison.
La coiffure des geisha est arrangée de façon différente, en chignon haut et plus long : taka shimada (à Kyoto) et tsubushi shimada (à Tokyo). Elles ne portent pas, ou peu, d'ornements dessus.

Et voilà.
Comme je l'ai dit au début : beaucoup d'informations à vous transmettre et pas facile de trouver une structure cohérente à mon exposé.
J'espère néanmoins vous avoir fait plaisir, vous avoir appris des choses (même si c'est dans le désordre) et, surtout, vous avoir donné l'envie de respecter ces femmes qui consacrent leur vie aux arts et à la manière de divertir les autres.

Le mois prochain, j'ai choisi d'étudier le riz.
Je sais, ça semble bizarre comme sujet pour un dossier mais c'est un élément fondamental de la cuisine japonaise et j'ai envie d'en savoir un peu plus.

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